Collection Pierre LECOULES (2e vente)

Dans la prolifique famille des ébénistes et bronziers de la seconde moitié du XIXe  siècle – ceux dont les réalisations font régulièrement le bonheur des lecteurs de la Gazette –, le nom d’Henry Dasson est souvent porté au firmament. Et ce n’est pas ce précieux cabinet qui risque de contredire ce propos. Le meuble est d’une rare élégance sachant combiner un panneau en laque takamaki-e à décor en or de paons sur des troncs d’arbre, à des encadrements d’amarante, des panneaux de bois de rose et à ces deux incroyables ibis aux ailes déployées et aux griffes acérées. À lire simplement la description, on pourrait ressentir une impression de surcharge. Il n’en est rien ! L’artisan a parfaitement maîtrisé et dosé tous les ingrédients de sa composition pour réaliser une œuvre d’un style unique, le sien. Fils de cordonnier, répertorié en 1858 comme horloger, puis en 1865 comme bronzier, Dasson est également un parfait homme d’affaires. Après avoir racheté en 1867 l’atelier de Carl Drechsler, il acquiert en 1871 celui de Charles Winckelsen, auprès de sa veuve : sa carrière de fabricant d’ameublement d’art est lancée. Présent lors des expositions internationales, il y est régulièrement récompensé, celle de 1878 asseyant définitivement sa réputation. Il en repart auréolé d’une médaille d’or et riche d’une clientèle internationale qui se dispute ses somptueuses copies des meubles royaux des règnes de Louis XV et Louis XVI. C’est lors de cette manifestation que lady Ashburton, une importante collectionneuse et philanthrope écossaise, débourse 90 000 Francs – soit le modeste équivalent de 2 M€ actuels –, pour emporter une copie du grand bureau plat de Louis XV. L’engouement des collectionneurs pour les meubles réinterprétant les créations des grands noms de l’ébénisterie du XVIIIe siècle était à son comble, et Dasson a surfé avec talent sur cette vague d’un grand intérêt financier. Mais il ne faut pas le résumer à cette activité de « copieur », même de haut vol. Ce secrétaire figurant dans la deuxième vente après succession de l’antiquaire Pierre Lécoules – la première s’est tenue en octobre 2019 sous le marteau de la même maison de ventes –, le démontre. Il savait aussi se montrer inventif, reprenant certes les codes du passé mais les enrichissant à sa mode. Ici, l’originalité est renforcée par la présence de deux échassiers arrivés dans la décoration à la faveur de l’égyptomania. Une création qui dispose de tous les atouts pour attraper dans ses griffes un joli résultat !

VENDREDI 18 MARS, SALLE 1 – HÔTEL DROUOT. FARRANDO OVV. CABINET MB ART EXPERTISES.