Grand succès pour la Collection Pierre Lecoules

Les Lécoules étaient des antiquaires parisiens qui ont démarré leur activité en 1905 et qui ont été très actifs entre les années 50 et 90. Ils étaient spécialisés dans l’ameublement et les objets d’art luxueux, avec un attrait particulier pour les créations du milieu et de la fin du XIXe siècle. Ils étaient aussi décorateurs, et ont travaillé pour le Shah d’Iran, aux États-Unis, la côte méditerranéenne, etc.

Le clou de cette seconde vente était un secrétaire en cabinet d’Henry DASSON (reçu maître Ébéniste en 1778), surnommé « Cabinet aux Ibis ». Ce meuble, aussi fascinant que mystérieux, estimé entre 30 000 et 50 000 €, a trouvé preneur pour 103 904 €*.
 
Ce secrétaire en cabinet conserve une part de mystère : il est estampillé Henry Dasson, ne laissant donc aucun doute quant à l’auteur. Mais il ne figure pas dans les archives des Expositions universelles. Or c’est un meuble très précieux : les bronzes sont d’une qualité remarquable (Dasson avait commencé sa carrière comme horloger – il réalisait les caisses de pendules en bronze), le panneau de laque japonais hiramaki-e et takamaki-e (or et argent à haut relief) est d’époque Edo (1603-1868) et surtout, il est orné de toutes parts : il n’était pas destiné à être accolé à un mur. Stylistiquement, ce cabinet est à rapprocher de l’Exposition universelle de Chicago, en 1893, où Emmanuel Alfred Beurdeley avait exposé un vase cornet en porcelaine de Chine qu’il avait monté en bronze à décor de deux hérons. Hérons, ibis et panneaux de laque illustrent parfaitement la vague japonisante de la fin du XIXe siècle. Néanmoins, Henry Dasson ne participant pas à l’Exposition de 1893, il s’agit probablement d’un meuble de commande réalisé peu avant sa cessation d’activité en 1894. 

L'œuvre de Dasson a aussi été souligné par les 106 502 €* atteints par la « Table des Arts », initialement estimée entre 10  000 et 15 000 €*. Rectangulaire, elle repose sur des pieds en caryatides représentant chacune une allégorie des Arts, en l’occurrence la Musique, la Peinture, La Sculpture et la Poésie. Dasson a réalisé le modèle de cette table en 1880 et l’a présentée à l’Exposition universelle à laquelle il participait cette année-là. Elle fait écho à la table dite « Table des Quatre Saisons » que l’ébéniste avait présenté deux ans plus tôt, à l’Exposition Universelle de 1778. Signée « DASSON, 1889 », elle est sommée d’un plateau en porphyre d’Égypte et ornée de bronzes ciselés et dorés. Lors de de l’Exposition universelle de 1889 à Paris, le rapport général d’Alfred Picard décrit une petite table pouvant peut-être correspondre au modèle présenté : « M. Dasson dont le crédit universel défie toute concurrence, nous présente une exposition remarquable, dans laquelle les styles Louis XIV, Louis XV et Louis XVI refleurissent avec éclat… nous citerons… sa petite table Louis XVI en vieil acajou, dessus en porphyre, avec quatre pieds formés de fines statuettes en bronze ciselé, etc. ».
 
Emmanuel Alfred BEURDELEY s'est ensuite illustré à plusieurs reprises. L'une des quatre paires de candélabres aux autruches qui soient aujourd'hui connues a remporté 40 262 €*, quadruplant son estimation. À l’époque où les collectionneurs aisés regrettaient de ne pouvoir acquérir les meubles et objets d’art de provenances royales, la mode d’en faire réaliser des copies s’est développée. À tel point que certains musées, dont celui du Louvre, a ouvert ses portes aux ébénistes, dont Beurdeley, pour qu’ils puissent réaliser des moules en plâtre de décors, ornements et détails. Ainsi, ce modèle est-il une réplique exacte des candélabres aux autruches exécutés par François Rémond, livrés en 1782 pour le second Cabinet turc du comte d’Artois à Versailles, et aujourd’hui conservés au château de Versailles. 
 
   
 
De Beurdeley, qui était également restaurateur, figurait encore une petite table tricoteuse. En tant que restaurateur, Beurdeley avait pris l’habitude de réemployer des éléments anciens et de les incorporer à ses créations contemporaines. Ainsi cette petite table tricoteuse de la fin du XIXe siècle, estampillée « A.BEURDELEY A PARIS » comptait 16 petits médaillons en ceinture. De près, on s’apercevait qu’il s’agissat de petits médaillons de cuivre émaillé, par Joseph Coteau (1740-1801), l’un des émailleurs les plus célèbres de son temps. La petite table estimée entre 3 000 et 5 000 € a finalement été acquise pour 25 326 €*.
 
Enfin, une création pour le moins originale de Paul Charles SORMANI (1817-1866) se distinguait. Il s’agissait d’un secrétaire à abattant, à décor marqueté de rinceaux fleuris, rehaussé d’une riche ornementation de bronze ciselé et doré. Un plateau de marbre fleur de pêcher surplombait l’ensemble signé sur la serrure de l’abattant « Paul Sormani, 10 rue Charlot Paris ». Ce secrétaire d’apparence classique est en réalité le fruit de l’imagination de Sormani, quand il a réuni deux modèles de secrétaires déjà existants. L’un est le secrétaire à abattant que Jean-Henri Riesener livra en 1783 à Marie-Antoinette et aujourd’hui conservé au Metropolitan Museum de New York et l’autre est un secrétaire conservé à la Frick Collection. Du premier, le secrétaire estimé entre 8 000 et 10 000 € reprenait une partie de l’ornementation en bronze doré, à l’image des chutes en console, du chiffre de Marie-Antoinette en ceinture et des imposants sabots feuillagés. Du second, le secrétaire empruntait le décor marqueté et le médaillon central en bronze doré. Il a été acquis 46 756€*.